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SAEIO

MERCURIALES

SAEIO / Juliette Vilain
guest CLINT 176
video 360 Anatole Abitbol

L’espace, à ciel ouvert, est une architecture de 10 850 m2 sur 3 niveaux. Essentiellement faite de béton, elle tourne sur elle même formant un cercle doublement éclairé par les réflexions plongeantes des deux tours en miroir, la lumière tourne vite et les ombres parfois se dupliquent en de lentes videos noir et blanc. Les phares des voitures font graviter les peintures à différentes vitesses et changent leurs couleurs, parfois presque en relief au passage de la lampe verte ou rouge d’un taxi.
Il faut faire attention aux sons dans ce trou puisqu’ils sont en écho; au dessus passe l’autoroute derrière le périphérique et en dessous de ce pont le vent fait tourner les arbres.

C’est quand le soleil se couche que la lumière des néons fait apparaître de nouvelles formes et certains reliefs artificiels qui n’étaient pas visibles, nous rappellent la dimension sculpturale de ces motifs peints en des dalles, les peintures dans ce lieu sont en volume.

Ici, le sens des mots prend une autre forme, celle de la peinture. La lettre qui est en ligne, se change en aplat et transforme son sens.
Illégale, chaque peinture n’est pas une performance; il y a trop de hasard; l’outil ne touche pas son support et la peinture se dépose en poudre par le vent, où l’écriture devient l’ombre du corps en mouvement, et le style le rythme comme un ver de terre mystique. Avant, pendant, après, tout peut arriver comme sa disparition.

Vous comprenez que ce lieu est vivant, et c’est dans les inter-actions qu’il prend son sens; comme elles sont vastes, il déclenche tous les mediums de l’Art y compris le hasard.
Sachez que l’un ne domine pas sur l’autre mais que cela forme un tout, occultant par ces mouvements le sens, il donne naissance aux signes.

SAEIO

The open space is an 10 850 square meters architecture designed on 3 levels. Essentially made of concrete, it spins on itself creating two double helixes , due to the reflection of two large, mirror-like, towers; light spins fast and sometimes the shadows duplicate in slow black and white videos. The beams of the car allow the paintings to gravitate at different speeds and colors, sometimes even in 3D upon a red and green lights flashing taxi.
One has to listen to the sounds in this hole since they reverberate the noise : overhead the highway behind the ringroad, and below this bridge, the wind makes the trees spin.

It is when the sun sets that the neon lights reveal new shapes and arti- ficial reliefs that were not visible, sending us back to the sculptural di- mension of the motifs painted in a maze, paintings are in 3D here.

The meaning of words take on another shape, such as a painting. The letter, which is a line, becomes a flat tint and changes its meaning. Each illegal painting is not a performance; there are too many unknown factors; the tool does not touch the medium and the paint is blown in powder by the wind. Writing becomes the shadow of the body in mo- tion, and style becomes rhythm like a mystical worm. Anything can hap- pen, before, during and after, as well as its disappearance.

One can grasp that this place is alive, and the interactions make it hap- pening. All these wide interactions trigger every medium in Art, inclu- ding fortuity.
Let it be known that one does not overcome the others, but that it is a whole, concealing the meaning by its moves, giving birth to the signs.

SAEIO

Les animaux sont sûrement télépathes. Ils ont l’art et la manière du sa-voir vivre sans la vérité. La vérité n’intéresse pas les animaux. Elle est l’ombre des choses, insaisissable, inutile, indigne pour celui qui veut vivre.
Les premiers humains, avec leurs pieds et leurs jambes dressées par- couraient le monde. Ils voulurent d’abord les choses. Avec leurs mains, ils les possédèrent, les transformèrent, les consumèrent. Tant et si bien qu’il voulurent l’ombre des choses.
Une mission fantôme.
L’ombre humaine s’engagea et signa.
Leur esprit, dès la préhistoire, chercha à s’exprimer, résonner, se faire entendre et se faire voir. Ca a commencé avec la main, pratique pour désigner la chose à caractériser. A elle, se sont ajoutés les postures du corps, les expressions du visage, les sons de la voix. Composés, cela donnait des possibilités infinies. Mais que veulent vraiment dire ces poses, ces mimiques, ces sons? Il a fallu imposer des choix. Ils ont convenu que le mumure souriant est miel, que le cri grimaçant est pi- qure d’abeille.
Ca n’a pas été facile. Il y a toujours des fous pour sourire en se brûlant ou hurler à la mort face à lumière du matin. Qu’importe, une poignée d’ombres avançant sur la terre commençait à se comprendre. Les en- fants étaient initiés dès leur naissance à ce que l’ombre de leur tribu avait autorisé à partager. Ca leur rendit la vie plus facile, c’était pra- tique la communication pour entreprendre des choses. Mais leur curio- sité, paradoxalement, s’en trouva plutôt réduite. Beaucoup s’établirent quand ils eurent établi assez de choses pour tuer dans l’oeuf un vieil instinct de voyageur.
Certains humains peignaient des animaux, des scènes de chasse dans des grottes. Mais l’agriculture, première vraie victoire de l’ombre hu- maine sur l’ombre des choses fut sacralisée. Les humains se rassem- blaient autour de cet ordre absurde qu’ils apelleraient bientôt vérité. Le leurre fut facilité par leur multiplication au sein des groupes. Tout le monde sait ce que ça sagnifie. Ca ne veut pourtant rien dire. Ca n’était rien d’autre qu’un son. C’est devenu un dessin. On fera l’amalgame, de la bouche et des mains, des oreilles et des yeux. Ca n’a rien d’originel.


peinture Juliette Vilain

On dit que l’histoire est née d’une vache.
Un jour, un humain emprunta la vache à un autre qui était méfiant et malin. Il grava dans la pierre l’empreinte de sa tête bovine. La mémoire de l’événement fut sauve. On lui rendit l’animal. L’idée fit sensation. Un livre rocheux fut ouvert, d’abort pour marquer l’appartenance des choses aux humains.
Le ciel est infini, les humains sont tous différents, les dieux aussi. L’his- toire née d’une vache a eu une lignée impressionnante de descen- dantes. Comme on a creusé la terre! Comme on s’est creusé la tête! Pour des ombres capturées par des signes humains, imparfaits et mor- tels. Gravez-les, prenez-les en photo, enregistrez-les, imprimez-les, mul- tipliez-les, diffusez-les aux quatre coins du monde! Un jour pourtant, les signes disparaîtront et toutes les ombres seront libérées.
Toutes les ombres ne se valent pas, mais toutes sont filles de la mort. Celles des humains aussi. ses enfants ingrats, rebels. Les signes qu’ils utilisent pour la chasse aux ombres luttent contre la mort. C’est un com- bat perdu d’avance,. Car la mort, angoissante, cruelle, indécrottable, va gagner. On connaît la fin de l’histoire.
Les animaux ne sont pas des personnages de tragédie. Seuls les hu- mains pleurent devant ces hisoires-là car eux seuls espèrent un autre dénoument. C’est là que se place leur curieux doute. Ils attendent autre chose et n’arrivent qu’à gagner du temps. Durer longtemps, en tant qu’ombre, grossir davantage, en aspirer d’autres. Oui, brandissant ces signes comme pour se protéger, ils veulent enfermer toutes ces ombres autour, qui les angoissent encore. C’est comme ça qu’ils se sentent non pas vivre, mais exister. Ils ont l’art et la manière du savoir exister avec le mensonge.
Car un signe, une série de signes, ça peut être beau, comme un son ou une série de son ça peut faire du bien, ça se partage naturellement, mais ça n’aura jamais raison du non-sens originel. Le non-sens c’est vrai, peut être appelé tout-sens. Car enfin il faut rendre à l’humain sa force d’imagination.


Juliette Vilain

Animals are definitely telepathic creatures. They have the art and the manner of «savoir-vivre» without the truth. Truth is not interesting to ani- mals. It is the shadow of things : elusive, pointless, unworthy to the one who wants to live.
The very first humans, feet and legs raised, roamed around the world. First they ran after things. They owned them with their hands, they pro- cessed them, they consumed them….. So much so that they wanted the shadow of things.
A guost mission.
The human shadow committed itself and signed up.
Since prehistoric times,its spirit, has been yearning to express itself, to resonate, to make itself heard and seen. It started with the hand, conve- nient to point the thing to be characterized. Then came body postures and facial expressions, and the sound of voice. Put together, endless possibilities.are allowed. But what do these poses, mimics and sounds really mean? Choices had to be imposed. It was agreed that a smile was the honey and that a grimacing scream was the sting.
It was not easy. There are always madmen ready to smile while getting burnt or to howl to death facing the morning’s light. Regardless, a hand- ful of shadows wandering the earth had started to understand each other. Children were initiated upon birth to what they were allowed to share the shadow of the tribe. Life was made easier, communication was useful to undertake things. But, their curiosity dwindl paradoxically,. Many settled down when they established enough to nip in the bud the old traveler’s instinct.
Some humans painted animals, hunting scenes in caves. But agricultu- re, the very first victory of the human shadow over the shadow of things, became sacred. Humans gathered around this absurd order that they soon called truth. The lure was facilitated by their reproduction amongst the groups. Everybody knows what that entitles.It does not however mean anything. It was nothing else but a sound. It became a drawing. The mouth and the hands, the ears and the eyes were confused. It bears nothing original.

It seems like History was born from a cow.
One day a human borrowed a cow from another one who was weary and cunning. He engraved in a rock the imprint of the cow’s head, for the sake of keeping the Memory of the event. His cow was returned. His idea became a sensation. The stone book was opened, first to mark the belonging of things to humans.
The sky is infinite, humans beings are all different and so are gods. The story born from a cow has had an impressive line of offsprings. We have dug the earth indeed ! Indeed we have racked our brains ! For shadows trapped by human signs, imperfect and mortals. Engrave-them, take a picture of them, save them, print them, multiply them, spread them to the four corners of the world! One day however, the signs will vanish and all the shadows will be freed.
These shadows are not all the same, but they are all daughters of death, of human as well, these ungrateful and rebellious children.The signs they use to hunt shadows, fight against death are a predictable lost bat- tle. Because the nerve-racking, cruel, hopeless death will win. We know the end of the story.
Animals are not characters of tragedy. Only humans cry for these sto- ries, because they are the only ones hoping for another ending. That is where their strange doubt lies. Expecting something else, they are only able to buy time. To last long, to get bigger and suck and attract others. Yes, waving these signs to protect themselves, they want to lock in all the surrounding shadows that still scare them. This is how they feel, not to be alive, but to exist. They have the art of «savoir-exister» with a lie.
A sign, series of signs, can be beautiful, like a sound or series of sounds can be soothing, it is shared naturally, it will never take over the original nonsense. It is true, nonsense can be called allsense.
Ultimately power of imagination has to be brought back to human beings


Juliette Vilain

Les deux clochards et un cygne vilain

When we came here, by night, crossing several driveways to select the one leading to the pit, we walked down or more precisely flushed our- selves down one of the city drains.

That is the way of the snakes, just arrived in Paris, and straight into the waste.

It’s always deeply energizing to wander through these nightly aban- doned facility structures. There is the charm of breezing summer meadows, forests and so on, and there is the final romance of rock solid concrete architectures. Outside the public view, the non-walking areas. Brute for the soft eyes, yet heavy, functional and nicely conceived to resist and to support the daily supply logistics, garbage removal and all that backyard business.

At day or at night, no convenience, nor welcoming for the average pe- destrian just gravel and treasures for clochards and elephants. So beau- tiful, so explicit.

The modern caves and canyons of are made of concrete. Arriving at the bottom of the Mercuriale towers is like being below sea level and al- most the whole area is already infested by Juliette and Saeio. A full ram- page of contemporary cave paintings of indecipherable scripts through written phantasms made of past terrors of dinosaurs and hunchbacks.

A future version of the pre-historic Chauvet Cave in Werner Herzogs Cave of forgotten Dreams but with anger dreams. Even though this place seems forgotten at night, I am already enjoying the picture of the rising dreams of vengeance and fury of the daytime security staff.

The reliable passion of a personal attention to a matter. In particular if such a sudden and incomprehensible enormity intrudes the daily routine and the personal field of accountability. The transformation of an employed Indifference into personal rage. Highly entertaining in the night, dazed from the scat-tered day.

We followed the half-light underneath the driveway where a faction of beggars and outcasts or just transients sleep. Common encounters in these hidden dead ends. In the old caves the inhabitants are gone, in these modern caves the number of inhabitants seem to be constantly growing.
The colourful written infections reach deep, so we continued walking deeper. We walked through the lying residents without a word and I inhaled my favourite air of unease and mutual suspicion. it’s like you walk through someone’s parlour at night.

Then Saeio, with the shadow of a slug creeped up to one of them. Later he told me this was one of the leaders of the army of beggars of the south, a valuable friend and Juliette’s cousin. Saeio asked him about unusual movements around here but he said there is nothing to worry about. For now.

I stayed back in the deeper dark and I changed my shadow from slug to the shadow of a vulture. I ate a few hands full of earth as usual to understand the place. When Saeio finally creeped back to me I lost my consciousness for the time being. The earth was maybe more toxic than I assumed.

The next day I could see the nacreous infestation was increased and also my initial premonitions were confirmed. The security of the Mer- curiale towers decided not to be enchanted by this thorns of virtuosity beyond control. So, they strike out to cut down the overgrowing vine and the excess of the encrypted intentions. They tried to sneak close and we started to laugh.
Parce que les grand et les petit clochards, les bourdons, the dinosaurs, the penguins, the antelopes eat up the minor efforts of the angry men with shoreless scripts in sucking passion, in forever love, with invincible sensations, with the grand and allegedly ignorance, the cultivated trivia and mastered insignificance of the never ending or constantly deferred meaning.

2:41am 22 April 2017 Clint 176

Les deux clochards et un cygne vilain

Nous sommes arrivés pendant la nuit, traversant plusieurs voies rou- tières avant de choisir celle qui menait à cette fosse ; nous sommes descendus, plus précisément nous nous sommes glissés dans une des ces tuyauteries urbaines.

C’est un comportement de serpent : à peine arrivé à Paris et immédia- tement dans les détritus.

Flâner dans ces structures et bâtiments abandonnés a toujours été une grande source d’énergie. Il y a le charme de la brise estivale dans les champs, les forêts et autres, et puis il y a la romance de l’architecture en béton brut. Au delà de la vue du public, les lieux interdits aux piétons. Brut pour les yeux sensibles, mais lourd, fonctionnel et conçu pour ré- sister et soutenir les besoins logistiques quotidiens, enlèvement des poubelles et autres activités de coulisses.

De jour ou de nuit, pas de confort, ni de bienvenue au piéton lambda; juste du gravier et des trésors pour les clochards et les éléphants. Si beau, si explicite.

Ces canyons et grottes ont faits de béton. Impression de fonds marins à l’arrivée au pied des tours Mercuriales… une grande partie des lieux est déjà infestée par Juliette et Saeio. Un carnage total de peinture pariétale contemporaine composé de textes indéchiffrables créés à partir de fantasmes écrits provenant de terreurs nocturnes emplies des dinosaures et de bossus.

Une version (futuristique ou prémonitoire ?) de la grotte pré-historique de Chauvet dans la Grotte des rêves oubliés de Werner Herzog mais avec rêves de colère. Même si ce lieu semble oublié la nuit, je prévois déjà les images des rêves de vengeance croissante et de la furie du personnel de sécurité.

La fiable passion d’une attention personnelle à un sujet. Si une sou- daine et incompréhensible énormité s’impose particulièrement dans la routine quotidienne et dans un champ de responsabilité personnelle. La transformation d’une indifférence régulière en une rage personnelle. Hautement divertissante de nuit, confuse par les jours qui s’écoulent.

Nous avons suivi dans la pénombre sous le pont routier, là ou une horde de mendiants, de sans abri ou de simples vagabonds dorment. Des rencontres banales dans ce cul-de-sac dissimulé. Les anciennes grottes ont été désertées par leurs habitants, et dans ces grottes modernes le nombre d’occupants paraît sans cesse augmenter.

Les infections multicolores se prolongent plus loin et nous continuons à nous enfoncer. Nous marchons sans un mot, parmi les créatures al- longées et ce parfum de malaise et de suspicion mutuelle que j’adore, nous envahit. C’est comme pénétrer dans un salon inconnu pendant la nuit.

Puis Saeio, semblable à l’ombre d’une limace, rampa près de l’un d’entre eux. Plus tard il me dît que c’était un des chefs de l’armée de mendiants du sud parisien, un ami cher et le cousin de Juliette. Saeio le questionna sur d’éventuels mouvements inhabituels et il lui répondît que qu’il n’y avait rien à craindre. Pour l’instant.

Retiré dans la plus sombre pénombre et j’ai changé mon ombre de celle d’une limace à celle d’un vautour. Je mangeai quelques poignées de terre, comme d’habitude pour comprendre les lieux. Au retour de Saeio je perdis connaissance. La terre était peut-être plus toxique que je ne pensais.

Le lendemain devant l’infestation nacrée grandissantes, mes prémoni- tions initiales sont confirmées. La sécurité des tours Mercuriales a déci- dé de ne pas être enchantée par ces épines de virtuosité incontrôlables et démentes. Alors ils décident de frapper et de couper la vigne enva- hissante et les excès d’intentions cryptées. Ils essayent de s’approcher de nous et nous éclatons de rire.

Parce que les clochards petits et grands, les bourdons, les dinosaures, les pingouins, les antilopes rongent les médiocres efforts des hommes enragés, aux scénarios sans dénouement, avec leur passion ravageuse, dans un amour éternel, avec ces invincibles sensations, au côté de la grande hypothétique ignorance, la futilité bien entretenue et l’insigni- fiance suprême de la raison infinie et toujours reportée.

2:41am 22 April 2017 Clint 176